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Redox et santé : optez-vous pour le fongicide ou le thé de compost ?

Qu'il s'agisse d'un être humain, d'un animal, d'une plante ou d'un microbe, le constat est le même pour tous les êtres vivants : Le niveau d'énergie et le degré de santé peuvent être facilement établis en combinant deux mesures - le potentiel d'oxydoréduction Eh (mesuré en millivolts mV et également appelé "redox") et la valeur pH.


Suite à la lecture du blog post "Des cultures fortes grâce à la maîtrise du redox", nous savons que de nombreuses pratiques agricoles "courantes", telles que le travail mécanique des sols, l'utilisation de produits phytosanitaires et engrais synthétiques ou la méthode de laisser le sol à nu plusieurs semaines perturbent énormément les valeurs Eh/pH de nos terres cultivées. Ces pratiques représentent des "facteurs de stress" qui, en puisant constamment dans le réservoir d'électrons et de protons du sol, provoquent une oxydation des sols, nuisent à leur fertilité et fragilisent nos cultures. Il est scientifiquement démontré que les ravageurs s'attaquent systématiquement aux plantes connaissant des valeurs Eh/pH déséquilibrées.


Nos pratiques agricoles peuvent toutefois aussi contribuer à améliorer l’Eh/pH des sols et des plantes. Une couverture végétale ou un paillis protègent le sol, un sol peu travaillé et bien structuré garantit une grande capacité de rétention de l’eau, des amendements naturels adéquats génèrent une augmentation de la matière organique etc. Ces pratiques améliorent la fertilité électrique de nos terres si bien que nos systèmes agricoles gagnent en stabilité face aux variations redox (augmentation de la capacité tampon). Il en résulte une stabilisation des valeurs Eh/pH autour de taux optimaux pour les plantes.


Dans ce blog, nous vous invitons à participer à une excursion comparative de l’impact de deux traitements agricoles. Pour une meilleure compréhension de ce texte, nous vous proposons de lire au préalable les blog posts "Des cultures fortes grâce à la maîtrise du redox" et - pour celles et ceux parmi vous qui maitrisent l'allemand - «Redox und die Pflanzenernährung» (Le redox et la nutrition des plantes) ainsi que «Wann ist ein Schädling ein Schädling? » (Quand est-ce qu’un ravageur est-il un ravageur ?).



Fongicide : la plante joue au yo-yo de l'oxydation


La raison d'être des produits phytosanitaires réside dans leur très forte pouvoir oxydant. Les produits phytosanitaires déclenchent une "attaque chimique" qui détruit les pathogènes sur les parties affectées de la plante, mais qui dénature et affaiblit en même temps les tissus végétaux.


Dans le cours vidéo "Diagnostiquer l'impact des pratiques agricoles avec le redox" de nos collègues français de Ver de Terre Production, le mode d'action d'un fongicide est illustré par les déplacements de l’Eh/pH (voir tableau ci-dessous).

Tableau : Diagrammes de Pourbaix montrant les effets d'un fongicide sur l’Eh/pH de la plante. L'axe vertical du diagramme représente le potentiel de réduction Eh en mV et est une mesure de la tendance d'une substance à gagner (réduction) ou à perdre (oxydation) des électrons. L'axe horizontal représente le pH et mesure la concentration en ions hydrogènes. Source: Ver de Terre Production



Les biostimulants : la voie de la réduction


Un biostimulant est une matière organique et/ou un micro-organisme qui stimule les processus métaboliques naturels de la plante et de la vie du sol.


Les biostimulants favorisent l'activité photosynthétique et contribuent ainsi automatiquement à une réduction du redox de la plante. Les métabolites réduits présents dans les biostimulants étant en grande partie identiques à ceux qu’une plante sécrète pour faire face à des stress (oxydatifs) intenses, ces préparations favorisent également la résistance de la plante. En outre, les biostimulants ont un effet peu ou fortement réducteur en raison du bas niveau de leur propre redox. De manière générale et pour résumer, les biostimulants " détournent " la plante des zones Eh/pH à risque où règnent les divers pathogènes (voir le diagramme ci-dessous).

Diagramme de Pourbaix avec les valeurs Eh/pH de divers biostimulants. La zone verte "santé des plantes" représente la zone Eh/pH optimale d'une plante en bonne santé. Les biostimulants ont un impact important sur les valeurs Eh/pH de la plante et du sol ; leurs redox se situent principalement en dessous des zones critiques où les pathogènes des plantes adorent s'aventurer. Source : Ver de Terre Production


Le thé de compost est un biostimulant utilisé pour activer la défense et la croissance des plantes. Il est principalement appliqué aux jeunes plantes sous forme de pulvérisations foliaires. En raison du processus de brassage aérobie et des sécrétions alcalines des grandes populations de bactéries présentes dans la préparation – et contrairement à la plupart des autres biostimulants – l’Eh/pH du thé de compost se situe dans une plage plus alcaline et plus oxydée que la zone optimale de santé redox de la plante (voir diagramme ci-dessous). Mais malgré cela - ou pour cela ? - il a un effet bénéfique sur la santé des plantes. Comment ?

Diagramme de Pourbaix : valeurs redox du thé de compost (cercles bleus). La zone verte "santé des plantes" représente la zone Eh/pH optimale d'une plante en bonne santé. TCO classique = thé de compost simple à base de lombricompost et de mélasse. TCO surchargé = Thé de compost composé de lombricompost, de mélasse, de guano, d'algues, d'acides fulviques et humiques, d'extrait frais de luzerne et de spores de champignons (Trichoderma harzianum). Ces deux exemples de thés de compost affichent des valeurs Eh relativement élevées. En fonction du système de brassage (intensité de l'aération) et des ingrédients, l’Eh du thé de compost peut descendre en dessous de 100 mV – diminuant considérablement l'effet stress oxydant, voire le supprimant totalement (voir prochain paragraphe). Source : Ver de Terre Production et Edapro



Le thé de compost : oxyder pour mieux réduire


Le thé de compost contient une grande quantité de vitamines, d'enzymes et de nutriments qui peuvent être directement assimilés par la plante et qui augmentent son activité photosynthétique (et donc sa valeur Brix). En fonction du niveau redox de la préparation, la pulvérisation de thé de compost peut provoquer un stress oxydatif initial (léger à moyen) qui place la plante dans un état d'alerte et stimule ses défenses : les récepteurs de pathogènes sur les membranes végétales sont multipliés et la production de molécules de défense aux propriétés réductrices est stimulée. Ainsi, les plantes "alertées" réagissent plus efficacement et plus rapidement en cas d'attaque de ravageurs et le grand nombre de molécules de défense à effet réducteur entraîne une baisse des valeurs redox des tissus végétaux, les rendant moins vulnérables aux pathogènes (voir schéma ci-dessous).


Lors d'expériences avec des plantes de pommes de terre, Olivier Husson et son équipe ont pu démontrer que les applications foliaires de thé de compost réduisaient les valeurs redox de la plante de 60 à 160mV. Si une plante se trouve justement en équilibre instable entre une zone Eh saine et une zone où certains pathogènes aiment s'attarder, une différence de quelques 15 à 20 mV peut faire pencher la balance et lui conférer la résistance nécessaire.

Schéma : la ligne pointillée représente la valeur Eh initiale d'une plante, la ligne bleue l'évolution de la valeur redox après une pulvérisation foliaire avec un thé de compost à Eh élevé d'environ 260-380mV. Une plante est pulvérisée avec du thé de compost (flèche verte). Le thé de compost déclenche un stress oxydatif chez la plante (zone marquée en rouge). Ce stress oxydatif stimule les défenses de la plante. La stimulation des défenses est caractérisée par la production de molécules de défense à effet réducteur. La valeur redox globale de la plante baisse en dessous de la valeur initiale et la plante perd de son attrait pour les agents pathogènes. Source : Ver de Terre Production


Selon Ver de Terre Production, en raison de cette potentielle "dose" initiale de stress, toute pulvérisation foliaire de thé de compost doit se faire avec une certaine prudence. Les plantes traitées doivent impérativement disposer de suffisamment d'énergie pour se mettre en état d'alerte et transformer le thé de compost (légèrement) oxydé en composants réducteurs !


Adrian Rubi, de l'entreprise suisse Edapro, spécialisée dans les thés et extraits de compost, relativise cette "mise en garde". De par son expérience, le thé de compost produit peu de résultats sur les plantes « affaiblies » par un stress biotique (plantes attaquées par des insectes ou porteuses d'une maladie quelconque) - il n'y a aucun effet ni positif, ni négatif. En revanche, en cas de stress abiotique (gel, grêle, chaleur, sécheresse, fortes pluies etc.), l'application foliaire de thé de compost révèle des effets bénéfiques très nets pour la santé des plantes. Ces observations se basent toutefois sur des préparations de thé de compost affichant des valeurs Eh nettement plus basses que celles analysées chez Ver de Terre Production (30-100mV comparé à 260-480mV).


Encore une remarque concernant un phénomène redox qui se produit simultanément : dès que le thé de compost appliqué sur la feuille entre en contact avec l'oxygène de l'air, il commence à s'oxyder. Lors du séchage du thé de compost sur la feuille, le thé de compost subit à nouveau une oxydation. Afin de ralentir ces processus d'oxydation et d’augmenter la biodisponibilité des éléments pulvérisés, il est recommandé de minimiser au maximum la surface de contact entre le thé de compost et l'oxygène de l'air. Concrètement, cela signifie pulvériser la préparation avec des gouttes de grande taille (note : pour les produits phytosanitaires, c'est bien sûr le contraire - réduire la taille de la goutte de pulvérisation, car plus la goutte est petite, plus le contact avec l'oxygène de l'air est grand, ce qui augmente l'effet oxydant du produit phytosanitaire). Pour freiner l'oxydation, il est également possible d'ajouter des substances réductrices au thé de compost, comme par exemple de l'acide citrique.



« Un sol nu est un sol foutu »


Les applications de produits phytosanitaires peuvent sauver nos cultures en cas de nécessité, mais elles peuvent aussi les précipiter dans une spirale de dépendance. Les préparations naturelles peuvent aider la plante à maintenir son équilibre redox et donc sa santé - à condition, bien entendu, qu'elles soient appliquées au bon moment et de la bonne manière.


La prise de conscience de l'impact de nos pratiques agricoles sur le paysage redox nous permet d'évaluer et, si nécessaire, d'adapter nos bonnes pratiques agricoles afin d’exercer une influence positive et ciblée sur le niveau de santé de nos plantes et de nos sols. Cette adaptation doit se faire en abandonnant l'approche technique et oxydante au profit d'une approche systémique et régénératrice, où la maximisation de la photosynthèse et de la biomasse constitue la formule magique.


La photosynthèse, en tant que réduction primaire et base de toute vie, occupe la place éminente dans l'amélioration de la fertilité (électrique) de nos sols agricoles.


En guise de résumé, le dernier mot revient à Olivier Husson : "Un sol nu est un sol foutu !"



Sources

Version originale de ce blog (en allemand)

Edapro (site internet)

Journée nationale « redox », 11 mai 2023 (vidéo ; présentations d’Oliver Husson et d’Isabella Tomasini)

Banerjee S., van der Heijden M (2023): Soil microbiomes and one health. In Nature Reviews Microbiology, numéro 21, pages 6–20 (article scientifique)


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