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La puissance des sous-semis

Dans cet article, nous voulons faire de la publicité. De la publicité pour une vieille tradition tombée dans l'oubli avec l'arrivée des herbicides & Co.


Comme le titre l'indique, il s'agit d'une chose à première vue insignifiante, parfois presque invisible, une chose qui végète longtemps tapie sous la culture principale. Si peu spectaculaire et si faible au départ, elle suscite un intérêt puissant, car son impact est bel et bien visible. Pour autant que nous soyons disposés à y regarder de près.


Sous-semis gélif varié dans le colza (photo : Alex von Hettligen)



Sous-semis & Co.


On désigne par sous-semis la pratique de semer et de faire pousser des semences d'une deuxième culture avec ou sous une culture principale dans un même et unique champ. Dans la plupart des cultures, un sous-semis reste longtemps sous-développé - car confiné à un coin étriqué et très ombragé - mais dès que la culture principale est récoltée, il trouve lumière et espace et se développe rapidement, c'est-à-dire qu’il envahit et recouvre le champ récolté. Un sous-semis est implanté par exemple dans les céréales, le maïs, les tournesol, les choux ou les courges. Il sert en premier lieu à établir des couvertures végétales continues et à promouvoir un enracinement intensif du sol - deux éléments à même de produire une cascade d'avantages, comme nous le verrons plus loin.


Le terme de plantes compagnes (en allemand « Beisaat ») est parfois utilisé comme synonyme, mais – contrairement au sous-semis – son objectif principal consiste à profiter des avantages de la culture associée (ou culture mixte), où différentes espèces végétales cultivées en même temps sur une même parcelle apportent leurs singularités et atouts respectifs pour le plus grand bénéfice de tous - un phénomène de synergie entre espèces également appelé « effet allélopathique ». Lorsque le semis est effectué après la récolte d'une culture principale (ou entre deux cultures principales successives), on parle de culture intermédiaire ou de culture dérobée. Contrairement aux sous-semis, les cultures intermédiaires nécessitent un préparation préalable du sol . Elles ne font pas l'objet de cet article.

Un sous-semis est un type d'engrais vert.



À quoi bon ? De la photosynthèse et de la vie du sol...


Imaginons un champ de céréales : en plein été, lorsque le soleil est à son zénith, les céréales sont arrivées à maturité dans le champ. Les céréales mûres ont (presque) complètement stoppé la photosynthèse et ne fournissent pratiquement plus d'exsudats racinaires à la biologie du sol. Nous nous trouvons face à une situation peu avantageuse: l'énergie solaire est gaspillée et la vie du sol meurt de faim.


Série de photos : développement d'un sous-semis de soja dans un champ de blé (source : Vernoux.org)


A présent, essayons d’imaginer un sous-semis dans le champ de céréales. Que va-t-il se passer en plein été ? Après la maturation et récolte des céréales en juillet-août, "l'étage inférieur", c'est-à-dire le sous-semis, prend le relais. Il se charge de la production photosynthétique et donc de l'alimentation de la vie du sol. Configuration idéale : l'énergie solaire abondante est utilisée et la vie du sol continue à disposer de repas réguliers.


Que peut-on constater? Un sous-semis maximise l'exploitation de la photosynthèse sur une parcelle donnée et garantit une alimentation continue des micro-organismes du sol. Un sous-semis comble donc le déficit nutritionnel des organismes du sol entre la maturité de la culture principale et le plein développement d'une culture suivante ou d'une culture intermédiaire (Näser:45).



…de la biodiversité….


À propos de repas réguliers : chaque espèce végétale nourrit des groupes spécifiques de microorganismes et augmente la diversité microbienne du sol selon son "goût". Conséquence logique, plus les plantes sont diversifiées, plus les communautés microbiennes du sol le sont, elles aussi. Une fois que les microbes et les champignons du sol se diversifient et prospèrent, cette vie du sol est en mesure de nous révéler son plein potentiel sous forme d'une productivité naturelle du sol. La notion de productivité naturelle décrit les processus de formation d'humus et de symbioses entre espèces qui conduisent globalement à des plantes plus saines, à une moindre dépendance des apports externes (tels que produits phytosanitaires et engrais) ainsi qu'à des rendements plus stables et une tendance à la hausse de la valeur ajoutée. Les sous-semis sont une manière optimale d'augmenter la diversité végétale aérienne et la diversité microbienne dans le sol.


Comme les cultures occupent les champs durant la majeure partie de la période de végétation, ce sont précisément ces intervalles qui offrent un potentiel élevé, mais malheureusement souvent inexploité, pour la formation d'humus. En intégrant les sous-semis dans nos cultures et nos pratiques culturales, nous pouvons donc exploiter ce potentiel. Il suffit souvent d'une petite quantité de différentes variétés de semences par hectare pour déclencher des effets importants (de culture associée) et lancer les processus de formation d'humus (Näser:45). L’impact « biodiversité » peut être si fort qu'il devient alors possible de maîtriser des problèmes de maladies ou de mauvaises herbes autrement non contrôlables (Näser:52) ....de tels résultats dépendent bien sûr également des paramètres chimiques et physisques du sol dont il faut assurer un parfait équilibre.



… formation d’humus et stockage de nutriments ….


La formation d'humine ou d'humus dans les cultures avec sous-semis et autres engrais verts est favorisée d'une part au niveau des racines vivantes des plantes (pendant la croissance végétative de la plante) via les exsudats racinaires et la formation de glomaline provenant des champignons du sol - mécanismes d'ailleurs confirmés par la nouvelle théorie de l'humus. Si d'autre part l'engrais vert est détruit et incorporé superficiellement dans le sol, une mesure appelée "compostage de surface", la sève végétale riche en hydrates de carbone est restituée à la vie du sol et facilement métabolisée par les micro-organismes. Cette pratique favorise également la formation d'humines et d'humus. Les quantités parfois impressionnantes de racines dans le sol permettent elles aussi d'élever le taux d'humus : des études ont démontré que l'intégration et la stabilisation de matériel racinaire dans l'humus est environ cinq fois supérieure qu’une même quantité de matériel de litière (Jackson et al). Et juste une petite remarque supplémentaire à ce sujet : une formation d'humines très prononcée se produit aussi dans les engrais de ferme vitalisés et lors de la vitalisation des plantes avec du thé de compost.


Tant la couverture végétale vivante que la multiplication de l'humus (ou des substances humiques) entraînent de nombreux autres effets positifs - tels que l'amélioration de la structure du sol (voir entre autres le thème du compactage passif ci-dessous), la protection accrue de phénomènes d'érosion, l'atténuation de la poussée des mauvaises herbes et de la prolifération des campagnols, une meilleure rétention de l'eau, le tamponnement des réactions d'oxydoréduction et, par conséquent, une diminution des pertes voire une meilleure efficacité des nutriments. En effet, la biologie du sol fixe les nutriments, les maintient facilement disponibles pour les végétaux et empêche le lessivage/la lixiviation. Il en résulte non seulement des plantes plus saines, mais aussi des nappes phréatiques moins polluées.



Illustration : implantation et croissance d'un sous-semis de pommes de terre. Le sous-semis empêche l'enherbement et les dommages tardifs aux tubercules en éloignant le ver fil de fer et d'autres pathogènes (Näser:53). En outre, il offre de nombreux avantages tels que la protection contre l'érosion, le contrôle de la température et de l'évaporation du sol après la fanaison des plants de pommes de terre et le stockage des éléments nutritifs excédentaires. Il contribue également à la formation d'humus. Source de l'image : page supprimée de humusbewegung.at



...résistance à la sécheresse et régulation de la température...


La pensée courante veut que les plantes en croissance consomment de l'eau et assèchent ainsi le sol. Selon ce mode de pensée, toute plante supplémentaire – les sous-semis y compris - a un impact négatif sur le bilan de l’eau, ressource rare, et concurrence la culture principale. Toutefois, d’après Dietmar Näser c'est un tout autre mécanisme qui domine dans les champs : un mécanisme à effet « multiplicateur d’eau ». Comment cela est-il possible ?


Eh bien, il est connu que les plantes fabriquent à partir de lumière, de CO2 et d’eau des hydrates de carbone et de l'oxygène – c’est le processus de la photosynthèse. Une partie de ces hydrates de carbone est libérée par la plante sous forme d'exsudats racinaires et nourrit la microbiologie du sol. Cette dernière consomme et décompose les hydrates de carbone (à leur état initial) en énergie, en CO2 et… en eau. C’est précisemment cette eau issue de la décomposition des sucres qui contribue à l'humidité du sol. Le principe suivant se révèle donc vrai: plus il y a de racines vivantes, plus il y a d'humidité dans le sol - et ceci même en cas de temps (très) sec ! Des couvertures végétales augmentant la résistance des cultures à la sécheresse nécessitent toutefois, outre des racines actives et une forte microbiologie du sol, une perfomance photosynthétique élevée. Un performance photosynthétique élevée peut être obtenue, entre autres, par l'utilisation de thé de compost (Bodenkurs im Grünen).


N'oublions pas que les couvertures végétales vertes présentent encore d'autres avantages en termes de gestion de l'eau et de la température : Elles augmentent par exemple la quantité d'évapotranspiration des plantes, ce qui peut avoir un effet positif sur le climat local (voir eau, humus et climat). Le sol couvert reste en outre mieux protégé, notamment en plein été, des pertes d’eau liées à l’évaporation de l’eau du sol et de surchauffement. Les processus de minéralisation sont légèrement ralentis par des températures du sol plus modérées : moins de C est brûlé et donc plus d'azote est retenu dans le système (avec chaque kg de C qui disparaît environ 100g de N sont également gaspillés, Felgentreu, 2020). On peut donc conclure que les sols végétalisés en permanence sont un facteur important pour la formation d'humus, en particulier en été, lorsque les processus de formation ou de décomposition dans le sol sont particulièrement intenses en raison des températures élevées (Näser:45ff).



…et le compactage du sous-sol


Le compactage du sol peut, suivant la strate du sol concernée, fortemment réduire la fertilité du sol. Ceci n'est bien sûr rien de nouveau – mais saviez-vous que l’on distingue entre un compactage actif et passif?


Le compactage actif du sol est effectué par des machines lourdes lors des activités agricoles. Il est limité dans l'espace et d'autant plus prononcé que le temps est humide. En revanche, le compactage passif du sol se produit spontanément lorsqu'un sol n'est pas enraciné. Il se manifeste plus particulièrement en cas de déséquilibre des éléments nutritifs et s'étend généralement à l'ensemble de la surface non couverte de végétation. Le compactage passif passe souvent inaperçu.


Sous-semis dans du maïs. La couverture végétale protège le sol du poids des machines durant la récolte. Après la récolte, le sous-semis couvre rapidement le sol et nourrit la vie souterraine jusqu'au prochain travail (photo : Alex von Hettlingen)


Les deux types de compactage du sol sont considérablement réduits voire éliminés par les sous-semis (Näser:36ff) : Le compactage actif du sol, du fait que les plantes des sous-semis ont des racines vivantes au moment de la récolte de la culture principale, ce qui augmente la portance du sol et y limite les dégâts. Le compactage passif du sous-sol, car l'apport de matière organique est assuré par les racines des plantes vivantes (du sous-semis), ce qui résout le problème.



Petit avertissement


En règle générale, les mélanges de sous-semis composés de plusieurs espèces sont plus efficaces et apportent davantage de bénéfices ; une faible biodiversité dans les mélanges ne pourra pas générer suffisamment d’effets bénéfiques pour la culture en place et l'approvisionnement en nutriments de la culture successive risque d’être compromise (Näser:45ff). Normalement, un mélange idéal est composé de 8 espèces végétales ou plus.


La technique du sous-semis n'est évidemment pas une solution miracle et nécessite un investissement initial supplémentaire. Son succès dépend entre autres d'une bonne maîtrise des nombreux paramètres culturaux et météorologiques, d'une bonne connaissance des conditions locales, d'une faible pression des mauvaises herbes, de beaucoup de patience lors des expérimentations et enfin, comme toujours, d'un soupçon de chance.....



Conclusion - gagner deux fois en diversité !


Selon Christoph Felgentreu, expert en cultures associées, sous-semis et cultures intermédiaires, la tâche principale de l'agriculteur-trice consiste à garder le sol couvert alors que la seconde se résume à nourrir tous les êtres vivants de la ferme (oui, vraiment tous, petits et grands !). Bingo, ces tâches coïncident exactement avec les fonctions des sous-semis - déléguez-les donc immédiatement aux sous-semis!


Nous avons vu à quel point il est important d'utiliser la plus grande diversité d'espèces possible dans les mélanges de sous-semis. Oui, la biodiversité dans nos champs est nettement améliorée par les sous-semis. Mais l'utilisation de cette technique augmente également un autre type de diversité, à savoir celui de la caisse à outils dont nous disposons pour soutenir le système sol-plante-microorganismes et favoriser la formation d'humus. Exploitons pleinement le potentiel de cette caisse à outils regarnie !


Pour conclure, il convient de mentionner que les sous-semis sur la ferme servent également d'outil de marketing, dans la mesure où ils mettent en valeur les efforts de l'agriculteur-trice en matière de conservation et formation des sols. Le mot-clé marketing est lâché : bouclons la boucle et faisons le lien avec le motif initial de ce blogpost - la pub. Comment avons-nous réussi notre spot publicitaire pour les sous-semis ?



Sources / liens:



Bodner Gernot, Keiblinger Katharina (2020): Neue Humustheorie als Leitfaden für innovatives Bodenmanagement? Inform - Zeitschrift für Pflanzenzüchtung und Saatgutproduktion (Linz), 2/2020, pages 15-18. Plus facile à trouver sur: Humustheorie bringt Innovation im Bodenmanagement | SAATBAU LINZ





Jackson B. Robert et al (2017): The Ecology of Soil Carbon: Pools, Vulnerabilities, and Biotic and Abiotic Controls in Annual Review of Ecology, Evolution, and Systematics, Vol. 48:419-445



Näser Dietmar (2020): Regenerative Landwirtschaft


Näser Dietmar, Wenz Friedrich (2021): Bodenkurs im Grünen (scripts, présentations)



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