Je parie qu'après la lecture de ce texte, vous porterez beaucoup plus d'attention aux valeurs Brix de vos cultures !
En effet, le Brix de la sève foliaire d'une plante ne corrèle non seulement avec l'état de santé, la résistance au stress et la densité nutritionnelle de la plante en question. Il explique également une éventuelle attaque de celle-ci par des insectes nuisibles. Cette nette corrélation a été établie par le spécialiste des insectes américain, l’entomologiste Dr. Tom Dykstra, en plus de 20 années de recherche.
NOTE : Ceci n'est pas un article sur l'utilisation correcte d'un réfractomètre. Pour des informations sur les appareils recommandés et sur la mesure correcte du Brix, contactez-nous : info@regenerative.ch
La référence standard pour facilement déterminer la santé des plantes
La manière la plus rapide, la plus sûre et la plus pertinente pour déterminer l'état de santé d'une plante consiste à examiner la concentration en sucre – ou, en termes plus techniques, la valeur Brix - de la sève des feuilles. La mesure s’effectue à l'aide d'un réfractomètre.
Pourquoi la sève des feuilles ? Les feuilles sont l’endroit où, grâce à la photosynthèse, le sucre de la plante est fabriqué et souvent également stocké. Les feuilles affichent donc les valeurs Brix les plus consistantes d'une plante, le Brix des fruits, des légumes-fruits, des fleurs, des racines, des tiges, etc. étant davantage sujet à des variations.
En étudiant la valeur Brix des feuilles, nous mesurons donc la quantité de sucre contenue dans la sève des feuilles. Plus une plante a une activité photosynthétique élevée, plus ses tissus contiennent de sucre et plus les valeurs Brix de ses feuilles sont élevées. Chez les plantes adultes, les valeurs Brix des feuilles se situent généralement entre 0 et 20 Brix, ce qui signifie que 0% à 20% de la sève est composée de sucre.
Lecture de la valeur Brix
Catégorisation de la santé des végétaux
En fontion des valeurs Brix, Tom Dykstra identifie quatre niveaux de santé végétale (voir également le graphique ci-dessous) :
Valeurs Brix entre 0 et 2 : la plante a une racine dans la tombe. La plante ne présente pratiquement aucun signe d'activité photosynthétique et ne dispose d'aucun système immunitaire. Dans un environnement naturel, une telle plante sera immédiatement éradiquée par des insectes ou des pathogènes. Dans un cadre artificiel, seuls des soins intensifs lui permettront de survivre. Selon Tom Dykstra, la pelouse de golf maintenue en vie grâce aux engrais, à l'irrigation et à divers "-cides" est le représentant type de cette catégorie.
Valeurs Brix entre 3 et 7 : la plante a de relativement bonnes chances de survie. Les feuilles sont capables d’une photosynthèse modérée et la plante peut produire certaines réserves d'énergie. À partir d’environ 6 Brix, la plante augmente fortement la production de substances végétales secondaires, si bien que son système immunitaire s'améliore nettement et que son goût est perçu pour de bon lorsqu'elle est consommée par l'homme (les substances végétales secondaires sont les produits phytochimiques qui contribuent à l'odeur, à la couleur et au goût d'une plante et plus généralement aussi à sa défense contre les parasites). Néanmoins, à ce niveau, une plante fonctionne encore bien en dessous de son potentiel. La santé et le rendement restent affectés et des doses de "-cides" et d'engrais toujours nécessaires. D’après Tom Dykstra, les plantes de ce niveau de santé constituent l'essentiel de notre alimentation quotidienne. Environ 75% de tous les échantillons prélevés par le spécialiste s'y situent.
Valeurs Brix entre 8 et 12 : la plante est équipée "d’une épée et d'un bouclier". La photosynthèse s’effectue de manière plus efficace. La plante dispose d’un système immunitaire qui fonctionne bien et est elle-même capable de se défendre contre de nombreuses espèces d'insectes ravageurs. La capacité de rétention d'eau de la plante (et du sol) augmente, de sorte que sa consommation en eau diminue. Selon Tom Dykstra, les végétaux cultivés à ce niveau sont relativement rares, mais ils existent bel et bien.
Valeurs Brix de 12 et au-delà : la plante est en bonne santé. La photosynthèse et le système immunitaire de la plante fonctionnent parfaitement. Les insectes nuisibles ne sont plus présents. La capacité et l'efficacité de stockage de l'eau des plantes et du sol se sont encore améliorées (Tom Dykstra parle d'économies d’eau d'irrigation pouvant atteindre 50% !). Toujours selon Tom Dykstra, ce sont uniquement de telles cultures qui peuvent être reconnues propres à la consommation humaine. Dans la plupart des fermes ou sur les comptoirs des magasins, elles sont très rares, voire inexistantes.
Illustration : les 4 niveaux de santé des plantes selon Tom Dykstra. Des valeurs Brix jusqu'à 2 nécessitent une alimentation forcée et une médication de plante ; des valeurs Brix à partir de 3 permettent à la plante de participer de manière autonome à la lutte pour la (sur)vie. À partir de 6 Brix, la quantité de substances végétales secondaires augmente. À partir de 8 Brix, la résistance aux insectes se développe fortement et la rétention d'eau dans le sol et les tissus végétaux augmente. À partir de 12 Brix, la plante est objectivement saine et enfin propre à la consommation humaine (source: How Brix Levels Impact Insect Pressure on Plants, Dr. Thomas Dykstra).
Ce que les insectes adorent - une explication rudimentaire
Les insectes sont dotés d'un système digestif simple et - à l'exception des insectes nectarivores - ne digèrent que les tissus conçus pour un intestin d’insecte. Il s’agit de tissus souvent impropres à la consommation par les humains et les vertébrés - en gros tout ce qui est pauvre en nutriments, fermenté, trop mûr, endommagé, blessé, malade, mourant ou mort. Le point commun de ces substances est qu'elles affichent presque exclusivement des valeurs Brix basses.
Il faut savoir que toutes les cellules, tissus ou organismes vivants émettent des signaux électromagnétiques. Une plante ayant un Brix bas émet des signaux électromagnétiques différents de ceux d'une plante saine à Brix élevé. Cette différence de signaux électromagnétiques est due au fait que la sève, après une photopériode de 24 heures (alternance du jour et de la nuit), ne présente pas la même composition de molécules de sucre et d'azote selon l'état de santé de la plante (pour en savoir plus, consultez l'article intitulé Une résistance totale grâce à des plantes saines).
Les insectes nuisibles qui adorent les molécules de sucre et de protéines incomplètes ou décomposées des plantes faibles, "enregistrent" les champs électromagnétiques de ces substances et choisissent leur victime végétale de manière très ciblée. Une plante vraiment saine synthétisant des composés complets de sucre et de protéines n’attirera jamais un ravageur – à moins que ce dernier ait besoin de se poser un instant sur elle pour se reposer (sans plus !).
Classification des insectes nuisibles
En fonction de leurs préférences Brix, Tom Dykstra classifie les insectes nuisibles en quatre groupes distincts (voir image ci-dessous). Cette classification ne correspond pas à la catégorisation des niveaux de santé des plantes présentée ci-dessus. Il s'agit des groupes d’insectes suivants :
Le groupe des pucerons (sous-groupe des insectes suceurs), notamment les pucerons et les cochenilles. Les insectes de ce groupe préfèrent un Brix extrêmement bas, inférieur à 6 ou 8;
Les insectes suceurs, par exemple les cigales, les cicadelles, les punaises et les thrips. Ces insectes se désintéressent d'une plante lorsque celle-ci atteint des valeurs Brix autour de 7 à 9;
Les insectes piqueurs-broyeurs, par exemple les coléoptères, les papillons, les mites. Ces insectes lâchent une plante lorsque celle-ci atteint des valeurs Brix autour de 9 à 11;
Le groupe des sauterelles, par exemple les criquets, les grillons et les insectes apparentés. Ils attaquent une plante lorsque sa valeur Brix se situe entre 10 et 12.
Les tissus des plantes dont le degré Brix est supérieur à 12 ne peuvent plus être digérés par les insectes. Ces derniers parviennent peut-être encore à identifier et attaquer la partie la plus faible du végétal (par exemple une branche flétrie), mais dans la plupart des cas, ils mourront de faim à proximité immédiate de la plante saine. Il faut noter toutefois qu’à partir de 12 Brix, les dommages causés aux cultures par des vertébrés (corbeaux, chevreuils etc.) se multiplient.
Illustration : classification des insectes selon leurs préférences Brix. Le groupe des pucerons (aphid group) préfère une valeur basse, inférieure à 6-8 Brix ; les insectes suceurs (sucking insects) se désintéressent d'une plante vers 7-9 Brix ; les insectes piqueurs-broyeurs (chewing insects) quittent la plante lorsqu'elle atteint 9-11 Brix ; et le groupe des sauterelles (grasshopper group) cesse de grignoter dès qu'une plante atteint environ 10-12 Brix (source: How Brix Levels Impact Insect Pressure on Plants, Dr. Thomas Dykstra).
Une tendance à la baisse depuis plus d’un siècle
Il est intéressant de constater que les différents groupes d'insectes se succèdent souvent au fil du temps. La relève peut bien sûr pointer dans la bonne direction (hausse du Brix) ou dans la mauvaise direction (baisse du Brix) 😊. Dans son reportage vidéo dénué de tout optimisme, a 100-year review of Florida citrus production—what is causing this steep decline? (une rétrospective sur 100 ans de production d'agrumes en Floride - quelle est la cause de la chute vertigineuse du volume de production? Voir graphique ci-dessous), Tom Dykstra présente de manière impressionnante comment les méthodes de culture et l'utilisation de produits phytosanitaires ont peu à peu affaibli les orangers de Floride et comment les populations d'insectes nuisibles se sont succédées pour le pire.
Graphique : Baisse des valeurs Brix des agrumes au cours des 100 dernières années et apparition de groupes d'insectes ravageurs adaptés aux différents niveaux de Brix en Floride. En raison de ces énormes problèmes de qualité, les valeurs minimales légales de la teneur de sucre des oranges transformées en jus ont déjà été abaissées à plusieurs reprises (source : How Brix Levels Impact Insect Pressure on Plants, Dr. Thomas Dykstra).
Le sucre, élément clé pour la vie et le bon approvisionnement en eau
À un moment donné, toute plante libère une partie de ses sucres issus de la photosynthèse dans le sol (rhizosphère) sous forme d'exsudats racinaires. Lorsque les cultures sont en bonne santé et que les conditions environnementales sont relativement stables, une grande quantité de sucre peut être libérée par les racines. Ce sucre permet de nourrir les microbes du sol qui, à leur tour, décomposent les minéraux et les transfèrent à la plante. Ainsi, les plantes ayant une valeur Brix élevée et rejetant beaucoup de sucres favorisent une subculture florissante de microbes dans le sol.
Le degré d’activité biologique dans le sol est une condition préalable à l'augmentation de la teneur en humus et à l'amélioration de la structure du sol. Plus d'humus et une meilleure structure contribuent à une meilleure capacité de rétention d'eau dans le sol. Ainsi, des plantes à valeur Brix élevée, une vie souterraine dynamique et une résistance accrue à la sécheresse vont de pair et permettent de jeter les bases pour une agriculture plus résiliente face aux aléas climatiques. Les plantes à forte teneur en sucre sont également nettement plus résistantes au gel, car de l'eau très sucrée change le point de congélation et gèlera à des températures nettement plus basses.
Pour ce qui est de l'être humain, il est possible d'établir un lien entre la teneur en sucre et la préservation, voire la stimulation de la santé. Ainsi, Tom Dykstra est persuadé que la santé humaine est menacée à partir du moment où nous consommons des aliments à faible valeur Brix - même si normalement les effets délétères sur la santé ne se font sentir qu'après des années. Seules les plantes avec des valeurs Brix de 12 et plus sont de véritables aliments qui, une fois consommés, contribuent à préserver la santé de l’homme. Il en va d'ailleurs de même pour les vertébrés tels que les vaches, les moutons ou les chevreuils, dont l'herbe pâturée ou le fourrage doivent présenter des valeurs Brix élevées pour que l'animal reste en bonne santé et fournisse une viande de bonne qualité.
De quoi les plantes ont-elles besoin pour obtenir un Brix élevé ?
Il est évident que certains paramètres comme une dose adéquate de soleil et d'eau, une bonne structure du sol avec un volume d'air suffisant et la juste quantité de nutriments clés doivent être réunis, pour que les processus métaboliques de la plante et que la biologie du sol fonctionnent bien. En cas de manque de lumière ou de micronutriments, par exemple, la photosynthèse diminuera et la fabrication et/ou le transport du sucre dans la plante seront entravés. Il sera alors quasiment impossible de dépasser un certain seuil Brix. Si nous ajoutons à cela des pratiques agricoles défavorables, il est même fort probable que la valeur Brix chutera.
Toujours d'après Tom Dykstra, les pratiques suivantes ont un impact négatif sur les valeurs Brix :
L’utilisation d’herbicides, de fongicides et d’insecticides. En effet, ces produits chimiques ne sont non seulement toxiques pour les organismes cibles (mauvaises herbes, champignons nuisibles et insectes ravageurs) mais ont aussi pour effet de tuer des microbes bénéfiques non cibles et de perturber toute la biologie du sol;
L’utilisation d'engrais NPK et de sels nutritifs. Il s'agit de nutrition forcée qui même à une « dilution » de la sève, nuit à la microbiologie et modifie la conductivité électrique du sol;
L'utilisation de plantes génétiquement modifiées (souvent en association avec le glyphosate), parce que ces plantes sont "fatiguées" et végètent normalement autour d'une valeur de 5 Brix (une valeur maximale de 10 Brix ne peut être atteinte qu'avec des mesures extrêmement sophistiquées et coûteuses);
Le renoncement complet au travail du sol (par ex. agriculture de conservation, cultures fruitières...) combiné à l’utilisation de biocides et souvent aussi de glyphosate. Ceci pour la simple raison que sans les micro-organismes, tous décimés par les produits toxiques, il n’est pas possible de retenir les micronutriments dans les couches supérieures du sol. Ces micronutriments sont victimes de l'érosion interne : ils sont transportés dans les couches plus profondes du sol où ils ne sont plus accessibles aux plantes; et
La production de cultures protégées sous serre, tunnel etc. Ceci s'explique par le fait que de telles cultures souffrent d'une carence en UV, rayonnement étant absorbé jusqu'à 99% par la couverture en verre ou en plastique. Or, ce rayonnement UV est indispensable à la synthèse d'acides aminés végétaux essentiels et donc à une croissance saine des plantes.
En résumé, afin que les plantes puissent vivre sainement et présenter des taux de sucre élevés, il est primordial de préserver et de stimuler les processus biologiques et vitaux par des mesures appropriées - mesures issues de l'agriculture régénérative, par exemple.
Mesures et fluctuations
Les mesures du Brix sont évidemment plus utiles lorsqu'elles sont effectuées fréquemment, permettant ainsi d'identifier les réactions et les tendances des plantes. Tom Dykstra conseille de prendre des mesures au moins une fois par semaine et de noter systématiquement les valeurs Brix ainsi que les éventuelles attaques d'insectes.
La saison, l'heure, les influences environnementales, la variété, le stade de croissance, la gestion de l'eau et des nutriments ainsi que les divers facteurs de stress influencent les valeurs Brix. Le Brix peut par exemple fortement baisser avant un événement météorologique extrême, comme une tempête de grêle, car lorsqu’une plante est sur le point de perdre la moitié de son feuillage, elle va, par simple mesure de précaution, expédier une grande partie de son sucre vers les racines. Même constat en cas de grisaille continue ou de précipitations interminables : le Brix chutera. Dans ce cas, la vitesse de la baisse dépendra du degré de vitalité et de la teneur en humus du sol. Pour compenser le manque de soleil et stabiliser les valeurs Brix, il sera toutefois possible de procéder à un traitement foliaire avec des acides fulviques.
Dans des conditions "normales", la valeur de la sève foliaire d'une plante saine ne variera que de 1 à 2 Brix au fil du temps (notez que plus la plante est faible, plus les variations seront importantes). Un Brix d'au moins 14 est considéré comme LA valeur sûre, car malgré les éventuelles fluctuations naturelles – en cas de stress modéré ou lors de changements physiologiques coûteux en énergie – la teneur en sucre ne descendra pas en dessous de 12 Brix, limite à partir de laquelle les plantes deviennent appétantes pour les insectes.
Conclusions
Comment en sommes-nous arrivés à croire que l'insecte est le problème - et non pas notre façon de pratiquer l'agriculture ?
Dans la nature, les choses ne sont jamais un pur hasard. Dès lors que nous produisons des aliments impropres à la consommation humaine, les éboueurs de la nature interviennent. Dès qu'une plante n'est pas en parfaite santé, les insectes apparaissent et font leur travail.
A celles et ceux qui veulent en savoir plus sur l'état de santé de ses plantes - sur place, sans devoir recourir à un laboratoire coûteux et avant l'arrivée des éboueurs - il est fortement recommandé d'effectuer des tests de valeur Brix.
Un Brix élevé nécessite une forte activité biologique et un bon fonctionnement des processus vitaux. Avec de connaissances solides et beaucoup de pratique, il est possible d'influencer de nombreux aspects de la gestion de la culture de manière à augmenter la vitalité de nos systèmes et à obtenir des valeurs Brix plus élevées et plus stables.
Sources
Version originale de ce blog, première partie et deuxième partie (en allemand)
A 100-year review of Florida citrus production—what is causing this steep decline? Dr. Thomas Dykstra (vidéo, 2021)
Dykstra Thomas: Picky-Eater Insects Pass on High Brix Plants (article, 2019)
Dr. Thomas Dykstra - Entomologist who Explains Why Insects Don't Attack Healthy Plants (vidéo, 2022)
Steps to Increase Brix and Refractometer - An Indispensable Monitoring Tool, Graeme Sait (vidéo, 2021)
Insect and disease attraction to plants with reducing sugars, Don Huber (extrait d’un entretien entre John Kempf et Don Huber, 2020)
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